Texte d'opinion : Pourquoi la nouvelle ville de Montréal doit réussir ?

Pourquoi la nouvelle ville de Montréal doit réussir ?

Le 11 juin 2003

Pourquoi la nouvelle ville de Montréal doit réussir ?

Le Sommet de Montréal de l'année dernière s'est révélé un moment important où s'est exprimé un nouveau leadership concerté et partagé entre les représentants d'une multiplicité de milieux et de secteurs de la nouvelle Ville de Montréal. Un an plus tard, alors que le débat fusion/défusion bat son plein, les chefs de délégation du Sommet de Montréal signataires du texte qui suit souhaitent donner un nouvel élan au mouvement populaire et politique engagé dans la réussite de la nouvelle Ville de Montréal.

Cosigné par les membres suivants du Forum des chefs de délégation du Sommet de Montréal

Par ordre alphabétique :

Carle Bernier-Genest
Président
Forum jeunesse de Montréal

Simon Brault
Directeur général
École nationale de théâtre du Canada

Dinu Bumbaru
Directeur des programmes
Héritage Montréal

Xavier Ceccaldi
Vice-président
Daniel Arbour & Associés

Pierre Desrochers
Président
Conseil régional de développement de l'île de Montréal (CRDÎM)

Benoit Labonté
Président
Chambre de commerce du Montréal métropolitain

Robert Lacroix
Recteur
Université de Montréal

Gilles Larocque
Directeur, bureau régional de Montréal
Fédération de l'Âge d'Or du Québec (FADOQ)

Claude Lauzon
Directeur général
CDEC Côte-des-Neiges/Notre-Dame-de-Grâce

Henri Massé
Président
Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

Philip O'Brien
Président du conseil
Devencore

Robert Perreault
Directeur général
Conseil régional de l'environnement de Montréal

Arthur Sandborn
Président
Conseil central du Montréal métropolitain de la CSN

La fusion de l'ensemble des municipalités de l'île de Montréal répond, nous y croyons fermement, aux plus grands intérêts de ses citoyens. Cette nécessaire réorganisation municipale répond d'abord et avant tout à des exigences qui découlent de l'accroissement du rôle que les villes jouent et des responsabilités accrues qu'elles doivent de plus en plus assumer dans tous les axes de développement, particulièrement celui de l'économie.

Cela étant dit, il est vrai que certains peuvent remettre en cause la façon dont on s'y est pris pour y parvenir. Dans ce contexte, il est malheureux que le débat public d'alors n'ait pas toujours permis de faire ressortir les véritables enjeux. Considérant que les justifications de la fusion n'ont jamais véritablement reçu – et ne reçoivent toujours pas – une large diffusion, il n'est pas surprenant que la seule façon pour la nouvelle ville de se rendre acceptable, ce soit en étant parfaite.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce n'est pas demain la veille ! Et cela est tout à fait normal.

Pourtant, malgré toutes ses imperfections, la nouvelle ville de Montréal mérite de vivre. D'une part, parce que rien n'empêche que ces imperfections, avec les efforts nécessaires, puissent être surmontées - notamment en ce qui concerne la nature et la qualité des services municipaux dans les arrondissements et le respect total des citoyens dans leur livraison; d'autre part, parce que malgré ces imperfections, la nouvelle ville demeure la meilleure réponse que nous pouvons offrir, collectivement, aux défis qui attendent les villes du monde au 21 e siècle.

Quelles sont donc les raisons qui militent en faveur d'un maintien de la nouvelle ville de Montréal?

Plusieurs ont mentionné la nécessité d'une plus grande équité dans le financement de la ville-centre et de ses infrastructures à portée métropolitaine. Cela demeure une explication partielle qui sert d'abord à expliquer l'augmentation, pour certains, de leur compte de taxes. Il est vrai qu'il est parfaitement légitime d'exiger de tous les habitants de l'île qu'ils contribuent à « leur juste part » aux projets, équipements et autres responsabilités de nature et d'envergure métropolitaines. Néanmoins, ce n'est pas de cette façon que l'on suscitera l'adhésion au projet d'une ville unifiée et la grande fierté d'en être un citoyen: il est impératif de présenter le projet stimulant que représente la nouvelle ville et d'expliquer la vision qui motive l'harmonisation du fardeau fiscal des contribuables de l'île. Bref, nous devons dire haut et fort ce que nous aspirons faire de cette ville au très fort potentiel, financée plus équitablement.

Il va de soi que nous devons aspirer à plus que de simplement la faire fonctionner correctement. Les anciennes municipalités, pour la très grande majorité, fonctionnaient déjà très bien. Que la nouvelle ville « marche » ne saurait suffire pour justifier que nous nous soyons donné le défi de changer de structure municipale. Pour cette raison, si l'on se limite à parler d'administration et de décentralisation vers les nouveaux arrondissements, on diminue considérablement l'efficacité avec laquelle on peut promouvoir la nouvelle ville de Montréal.

Les justifications et les aspirations de la nouvelle ville doivent être diffusées; elles doivent aussi être incarnées. À cet égard, les Montréalais ont plus que jamais besoin d'un leadership visionnaire et éclairé de la part du premier représentant qu'ils ont élu : le maire de Montréal. Monsieur Gérald Tremblay peut offrir ce genre de leadership et nous l'incitons à l'assumer et à l'exercer pleinement. Ceux qui, comme nous, peuvent également exercer un certain leadership dans leur milieu et secteur d'activités sont prêts à faire équipe avec lui et contribuer à convaincre ceux qui ne demandent qu'à l'être.

Dans cette optique, nous souhaitons exposer plus en détail les raisons que nous identifions et qui font que nous appuyons la nouvelle ville; et mieux encore, que nous en célébrons l'existence.

1. Concurrence internationale entre les agglomérations urbaines

En 361 ans de vie, il est bien évident que le monde dans lequel évolue Montréal a eu le temps de changer. Celui que nous connaissons aujourd'hui en est un où les agglomérations urbaines occupent une place prépondérante et incontournable. L'urbanisation, que ce soit à l'échelle mondiale, canadienne ou québécoise, atteint de nouveaux sommets. De plus en plus de gens se retrouvent dans de grands centres urbains. Cinquante pour cent de la population québécoise habite la région métropolitaine. Cinquante pour cent de la population canadienne se retrouve dans les seuls centres urbains de Montréal, Toronto, Calgary et Vancouver.

Cette concentration n'a rien à voir avec un renouveau d'affection pour la vie en ville. C'est plutôt la concentration de l'activité économique qui en est l'origine et le moteur. À notre époque de l'économie du savoir, les ressources humaines sont plus importantes que les ressources naturelles. Logiquement, les entreprises naissent ou vont s'installer là où elles peuvent avoir accès au plus grand bassin de ressources en capital humain qui puisse exister : les centres urbains.

Les agglomérations urbaines se ressemblent beaucoup plus entre elles que, par exemple, des régions ressources. Si vous voulez œuvrer dans le secteur du fer, les possibilités sont limitées; si c'est dans celui de la recherche biopharmaceutique, vous pouvez toutefois choisir parmi un nombre impressionnant de villes à travers le monde. Parce que, de façon générale, les villes se ressemblent, la concurrence entre elles est d'autant plus intense. Et dans ce contexte, c'est souvent la maîtrise particularités qui peut faire la différence.

Quel est le lien avec notre nouvelle ville de Montréal ? Justement, c'est notre capacité individuelle et collective de créer et de mettre en valeur ces particularités qui, en bout de ligne, font la différence.

2. Les villes : des agents de développement social, culturel et économique

L'époque où le rôle principal d'une municipalité était, essentiellement, de faire la cueillette des ordures, d'organiser les loisirs et de déneiger les rues est à jamais révolue. Aux responsabilités traditionnelles d'une ville comme Montréal, s'ajoute dorénavant le rôle d'agent catalyseur du développement social, culturel et économique.

Quels sont les critères qui font que des entreprises, des travailleurs, des créateurs, des artistes, des étudiants choisiront de s'établir dans une ville plutôt que dans une autre ? De plus en plus, les experts réalisent que ce qui fait pencher positivement la balance, ce n'est pas seulement le régime fiscal, mais la qualité de vie, la qualité de lieu et l'abondance de talent. À plusieurs égards, Montréal est choyée : son potentiel créateur, son offre culturelle diversifiée, la qualité de son environnement, sa sécurité et le dynamisme de son centre-ville sont autant d'éléments qui contribuent à la distinguer. Mais il faut toujours faire plus. Et du moment où l'on souhaite faire plus, on se rend vite compte que c'est du côté de l'hôtel de ville que peut provenir l'impulsion nécessaire aux initiatives les plus porteuses : pensons au projet de Quartier des spectacles, à la mise sur pied de la Société du Havre, à la concrétisation d'une Cité des biosciences, à la création d'une Cité universitaire étudiante, à l'amélioration du transport en commun, à l'intégration des personnes handicapées, etc.

Il y a bien d'autres secteurs d'activité pour lesquels la ville devrait être l'agent catalyseur : le logement social, le développement durable et environnemental, le développement local et communautaire et, pourquoi pas, les projets de centres hospitaliers des universités de Montréal et McGill, ou encore celui d'un centre de foires de calibre international. Le problème est, plus souvent qu'autrement, l'argent – ou plutôt le manque d'équité dans le financement municipal et l'absence d'une plus grande diversité de sources nouvelles, récurrentes et prévisibles de revenus.

Dans ce contexte, il nous apparaît impératif d'avoir, pour le bien-être de l'agglomération montréalaise, une entité municipale capable de jouer pleinement ce rôle d'agent catalyseur. Et c'est cette raison qui rend tout aussi urgent l'établissement et le maintien d'une équité fiscale – sous la forme d'une péréquation - sur l'île de Montréal ou, mieux encore, son application à l'échelle de l'agglomération.

Pour l'heure, les nouvelles villes et la toute aussi nouvelle Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) sont indéniablement ce qui nous rapproche le plus de la réponse adéquate à ces besoins.

3. Démontrer et mettre à profit la cohésion des Montréalais

De plus petites villes ne seraient-elles pas mieux placées et plus efficaces pour jouer ce rôle d'agent catalyseur de développement, argueront certains ? La réponse est un non retentissant.

Trop longtemps, les divisions territoriales et un certain esprit declocher ont ralenti sérieusement le développement de Montréal. N'aurait-il pas été plus efficace, par exemple, que les parcs technologiques de la région de Montréal soient en concurrence avec ceux de Toronto, Boston, San Francisco ou Barcelone, plutôt que de l'être entre eux? Il est vrai que bon nombre de services aux citoyens peuvent être gérés plus efficacement au niveau local – ce que des arrondissements fonctionnels devraient permettre –, mais pour d'autres, et particulièrement ceux qui sont au cœur de la compétitivité et du rayonnement international de la région de Montréal, le poids d'une ville unifiée, dotée de pouvoirs et de responsabilités réels et nécessaires, est de beaucoup préférable.

Quand on vante les avantages de Montréal, on cite souvent la diversité de sa population et la cohabitation heureuse de ses deux principales cultures, francophone et anglophone. À bien des égards, cela est vrai et vécu par un nombre impressionnant de Montréalais; que ce soit dans leur milieu de travail; quand ils font leurs emplettes au Marché Jean-Talon ou au Centre Fairview; quand ils font des randonnées à pied ou à bicyclette sur le bord du Canal de Lachine, sur les îles de l'Expo ou à l'Arboretum Morgan; quand ils assistent à un match de hockey ou de boulingrin; ou encore à un concert en plein air du Festival de jazz ou du Festival de musique de chambre. Il serait temps, une fois pour toutes, que nos institutions politiques municipales reflètent également cette réalité déjà bien ancrée.

La nouvelle ville de Montréal est l'occasion pour toute la population de l'île de participer directement – avec un impact certain – à sa vie politique, de la même façon qu'elle participe déjà – puissamment – à la vie sociale, communautaire, culturelle et économique de l'agglomération. Le bon fonctionnement de la nouvelle ville doit refléter et alimenter davantage la très grande maturité qui caractérise maintenant les relations entre toutes les communautés linguistiques et culturelles de l'île.

À l'inverse, le démantèlement de la nouvelle ville, ou pire, la création d'une enclave municipale dans le West-Island, constituerait un retour en arrière, l'érection d'une nouvelle, nuisible et instable barrière entre anglophones et francophones, alors que c'est justement la disparition de ces barrières qui fait, depuis quelques années, le charme unique, la force et la distinction de Montréal.

4. Doter Montréal d'un poids politique correspondant à son poids économique

Montréal a besoin de miser sur les ressources et la cohésion de toute sa population pour concurrencer les autres villes et agglomérations urbaines du monde. Elle a aussi besoin d'acquérir de nouveaux moyens financiers et de nouveaux pouvoirs. Même unifiée et plus équitable, Montréal demeure handicapée par son hyperdépendance aux revenus de taxes foncières.

Il est naïf de croire que, fragmentée en plusieurs municipalités, la région de Montréal sera en mesure de forcer la main à Québec et Ottawa pour obtenir les nouvelles ressources nécessaires à son développement. Déjà que la CMM – qui englobe pourtant 63 municipalités de la région métropolitaine - a peine à parler d'une seule voix au nom de la moitié de la population du Québec qui habite sur son territoire.

Grâce à la nouvelle ville de Montréal, les habitants de l'île sont représentés par l'élu qui reçoit le plus fort mandat populaire personnel au Québec : 1,3 million d'électeurs sont en effet appelés à choisir directement le maire de Montréal. En temps normal, cela devrait lui prêter un pouvoir, une autorité et une légitimité exceptionnels quand lui vient le temps de négocier avec les autres paliers de gouvernement. De ces attributs de la gouvernance, Montréal en a besoin plus que jamais – surtout dans un contexte ou l'agenda urbain sera prédominant au cours des prochaines décennies et ce, à tous les niveaux de gouvernement. Au cours des dernières années, les traditionnels pèlerinages à Québec qu'ont dû s'imposer les différents maires de Montréal, ont clairement démontré que du poids politique, Montréal et sa région n'en auront jamais trop.

En effet, Montréal a beau être la métropole et la locomotive économique du Québec, elle n'en est pas le centre politique qui, lui, demeure indéniablement dans sa Capitale. Qui plus est, c'est d'abord dans les régions du Québec que se gagnent et se perdent les élections. Qui, dans ce contexte, peut parler haut et fort pour Montréal, si ce n'est son maire, un seul maire ?

***

Il y a exactement un an, des Montréalais de partout sur l'île se sont réunis pour participer au Sommet de Montréal. Ensemble, nous avons débattu et esquissé une vision de ce que pouvait et devrait être le Montréal de demain. Ensemble, nous avons atteint des consensus sur les moyens d'y parvenir. Ce fut l'un des moments les plus excitants que nous avons pu connaître en tant que nouveaux Montréalais : une vision commune nous animait et nous partagions le sentiment que beaucoup de réussites étaient à notre portée si nous travaillions ensemble.

Un an plus tard, force est de constater qu'il a été difficile de convertir cet esprit et cette volonté en réalisations concrètes. Il y a bien quelques projets qui ont avancé un peu mais, néanmoins, nous sommes loin des grands espoirs que nous entretenions aux lendemains du Sommet. Et voilà maintenant que le projet de loi-cadre du nouveau gouvernement du Québec vient retarder et nous distraire de ce qui devrait être notre objectif premier : assurer la prospérité économique, le développement durable, la vivacité culturelle et la cohésion sociale de l'agglomération urbaine de Montréal.

Un an après le Sommet, il serait sage d'y retourner s'en inspirer pour répondre aux questions que soulève, inévitablement, le dépôt de cette loi-cadre. Une de ces réponses est que les identités peuvent être multiples et multipliables. En fait, elles gagnent à l'être. Nous étions, autour de la table du Sommet, des représentants de tous les nouveaux arrondissements, de l'environnement, de la culture, du milieu local et communautaire, des affaires, etc. En adhérant aux consensus du Sommet, nous devenions aussi de nouveaux et fiers Montréalais et cela, sans pour autant cesser de représenter nos communautés locales et nos secteurs d'activité respectifs et d'y être profondément attachés. Cette multiplicité des identités peut aussi se vivre dans le cadre de la nouvelle grande ville de Montréal. On peut à la fois s'identifier au Plateau Mont-Royal ou à Baie-d'Urfé et être Montréalais. Il en va de même pour tous les autres arrondissements et quartiers de l'île.

On dit que la complexité est inhérente au dynamisme. Refaire la structure municipale montréalaise ou la décentraliser à outrance en confinant chacun dans son coin, est la meilleure façon d'assurer le triomphe de la stagnation. Joindre nos forces pour relever le défi de créer une identité commune et de faire fonctionner, développer harmonieusement et rayonner internationalement une grande métropole, est le passage obligé vers le dynamisme à long terme de l'agglomération urbaine de Montréal.

Nous reconnaissons que certaines erreurs ont été faites, tout particulièrement dans l'introduction et l'information au public des tenants et aboutissants d'un changement d'une telle envergure. Personne ne peut contester qu'on ne corrige pas des erreurs en commettant d'autres erreurs. Alors, créons une atmosphère où il fait bon vivre et, surtout, informons les citoyens des très nombreuses raisons du bien-fondé d'une grande ville. Montréal et tous les Montréalais le méritent !

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