Discours - conférencier : M. Jacques Fortin, directeur général, Société de transport de la Communauté urbaine de Montréal


Discours prononcé par M. Jacques Fortin
Directeur général, Société de transport de la Communauté urbaine de Montréal

Le 4 mai 2000

Merci de m'avoir invité et d'être là en si grand nombre à cette heure matinale. (Salutations adressées à la table du conférencier et présentation du comité de direction de la STCUM).

Je vous avoue qu'en préparant mes notes pour cette rencontre, au lieu de me demander de quoi j'allais parler, je me suis plutôt dit qu'il fallait que j'élague un petit peu. Ainsi, j'éviterai de vous parler de la restructuration en cours dans la région de Montréal, des projets spécifiques du Plan de gestion des déplacements du ministre des Transports ou de la situation des relations de travail à la STCUM. Je préférerais plutôt répondre aux questions à la fin de mon exposé.

Avant de vous parler de transport en commun, j'aimerais d'abord vous présenter la STCUM, et vous rappeler brièvement ce qu'ont été nos dix dernières années.

La STCUM en bref :

4 lignes de métro – 66 Km et 65 stations – 58 M de Km/voiture;
173 lignes d'autobus – 4,3 M d'heures de service – 1 350 autobus qui chaque matin sortent des garages;
340 M de déplacements par année, dont 1,2 M en transport adapté, soit environ 1M de déplacements par jour;
7 000 employés – 14e entreprise en importance au Québec;
un budget d'opération de 675 M $ et des investissements de l'ordre de 75M
$/année.

Si je devais résumer ce qu'ont été ces dix dernières années pour la STCUM, je dirais que nous avons dû passer beaucoup plus de temps à faire de la gestion budgétaire et à gérer les conséquences des baisses du financement public qu'à gérer l'amélioration et le développement du service, sans compter qu'il est difficile de faire les deux en même
temps.

Pourtant la décennie avait bien commencé, avec en 1990:

La mise en place du Conseil métropolitain des transports;
L'annonce par le ministre Côté de l'intention du gouvernement du Québec de reprendre les investissements dans les infrastructures de transport, dont le métro;
L'injection de 30 M $ pour financer la baisse des tarifs qui a accompagné la mise en place de la carte régionale de transport ainsi que les effets financiers inter-réseaux.

En 1992, tout est remis en question avec le désengagement du gouvernement du Québec du financement du transport en commun. Pour la STCUM, ce désengagement représentait 150 M $ de moins. Il s'est traduit par des hausses importantes de tarifs (25 %) et est à l'origine des baisses massives de financement depuis 1994. Dans un premier temps, les municipalités ont compensé le retrait de Québec. La STCUM a alors mis en
place un plan de relance du transport en commun. Cependant, cette hausse importante de la contribution des municipalités n'a pas pu résister à la nécessité de compenser leurs dépenses.

Ainsi depuis 1994 :

Les contributions publiques à la STCUM ont diminué de 59,2 M $, soit 17,3 %;
Compte tenu de la hausse du service de la dette nette, cela s'est traduit par une baisse du financement net des dépenses d'exploitation de 25 %;
La baisse combinée du nombre d'employés et des heures supplémentaires équivaut à une diminution de 1 100 postes, soit une baisse de 13,1 %;
L'offre de service a diminué de 7,8 % au métro et 10,4 % du réseau de surface;
Nous avons cependant réussi à maintenir la hausse des tarifs au niveau de
l'inflation. Cette faible hausse des tarifs, la croissance économique et des coupures de service sélectives ont fait en sorte que, malgré tout, nous avons réussi à augmenter l'achalandage de près de 3 % de 1995 à 1999.

Voilà en bref ce qui s'est passé à la STCUM.

Du côté du transport en commun dans la région de Montréal, la situation n'était guère plus reluisante, comme le démontre les données de l'enquête Origine-destination de 1998.

De 1987 à 1998, le nombre de déplacements motorisés quotidiens est passé de 5,3 à 6,5 millions. Les déplacements faits en automobile ont augmenté de 34 %, ceux faits en transport en commun ont diminué de 13 %.

Pour la grande région de Montréal, la part de marché du transport en commun est passée de 23 à 17 %, de 35 à 26 % sur l'Île de Montréal. Les études du ministère des Transports montrent que, si rien n'est fait, la situation se détériorera avec l'ajout de plus de 250 000 voitures, d'ici 2015, en pointe le matin.

Cette baisse de l'utilisation du transport en commun n'est pas particulière à la région de Montréal, c'est une tendance présente dans la grande majorité des centres urbains. Les causes de ce déclin sont similaires.

Étalement urbain, démographie et motorisation :

92 % de la croissance de la population entre 1987–1998 s'est faite en dehors de l'île de Montréal. La totalité de la croissance de l'emploi pendant la même période s'est faite en périphérie, l'île de Montréal perdant même 12 000 emplois;
Vieillissement de la population et diminution des 18-24 ans;
Croissance plus rapide des déplacements pour des motifs où traditionnellement le transport en commun est moins performant les loisirs (120 %) magasinage (36 %)à l'opposé des modes travail (9 % ) et études (2 %) qui ont connus un faible croissance;
Taux de motorisation qui continue d'augmenter sous l'effet de l'attrait puissant de l'automobile, accentué par l'accès au travail des femmes et la croissance économique. Dans la région de Montréal, il y avait 414 autos/1 000 habitants en 1987, on passe à 465 en 1998, soit une hausse de 12,3 % du taux de motorisation;
Diminution du financement public avec les effets qui l'accompagnent, soit les hausses de tarifs et une baisse du service.

Le transport et spécialement le transport des personnes, est une activité économique très particulière.

La demande de transport est une demande dérivée (comme l'énergie);
C'est une activité sans valeur ajoutée (vraie pour les entreprises, mais aussi pour les ménages);
Même si elle sans valeur ajoutée, elle prend tout de même une place importante dans l'économie. Aux Etats-Unis, le transport constitue 19 % des dépenses moyennes des ménages, par rapport à 14 % pour la nourriture. Au Québec, c'est plus de 16 %. Un peu moins que la nourriture;
Finalement, c'est une activité où les choix des uns ont un impact important sur les autres : c'est ce qu'on appelle les effets externes.

En ce qui a trait aux effets externes positifs du transport en commun, je vais en surprendre plusieurs en vous disant que la STCUM est fort probablement l'entreprise la plus rentable au Québec. Une évaluation conservatrice des effets externes positifs du transport en commun sur l'île de Montréal montrent que les activités de la STCUM génèrent un
bénéfice net de 2 milliards de dollars, dont 1,3 milliards pour les individus et 400 millions pour les entreprises en coûts de congestion épargnés.

En moyenne, chaque année, les ménages de la CUM dépensent

1 250$ (24 %) de moins qu'ailleurs au Québec pour leurs déplacements. Pourquoi?
Parce que la CUM est équipée d'un réseau dense et performant de transport en commun.

Tout ça est bien connu. Tout comme sont bien connus les moyens pour inverser la tendance actuelle. Si l'on ne prend pas vraiment les moyens de changer la situation, c'est en grande partie à cause du rapport quasi affectif que nos sociétés ont avec l'automobile. Lorsqu'on aborde ce sujet, la rationalité économique, si populaire ces temps-ci, disparaît complètement.

Il est évident que pour inciter les personnes à utiliser le transport en commun, il faut développer des infrastructures adéquates.

En ce sens, le Plan de gestion des déplacements du ministre des Transports répond adéquatement aux besoins identifiés. En consacrant près de 1,6 milliard de dollars au cours des dix prochaines années aux priorités du transport en commun, le ministre, à notre avis, a pris la bonne direction.

Cependant, le Plan de gestion des déplacements est plutôt faible quant aux aspects qui touchent la gestion de la demande des déplacements, bien que plusieurs des mesures en ce sens ne sont pas du ressort du ministre des Transports.

Toutes les études le démontrent, parmi les facteurs importants qui influencent l'utilisation du transport en commun, on trouve ceux liés à la place que l'on donne à l'automobile dans nos villes et les coûts de son utilisation.

Dans les cours d'économie 101, on apprend qu'il y a essentiellement deux façons de rationner la demande : les prix et les files d'attente.

C'est un simple principe qu'on se doit d'appliquer dans les mesures visant à gérer la demande de transport. Ces mesures sont connues.

Mesures visant à augmenter le coût d'utilisation de l'automobile :

Taxe sur l'essence;
Droit supplémentaire sur l'immatriculation;
Péage;
Taxe sur le stationnement.

Mesures restreignant la place de l'automobile :

Voies réservées;
Gestion des espaces de stationnement sur rue et hors rue.

Politique d'aménagement du territoire qui limite l'étalement urbain.

Mesure diminuant le coût d'utilisation du transport en commun (mesures
fiscales).

La STCUM entend travailler avec ardeur à la mise en œuvre de ce plan de transport et à continuer à promouvoir les mesures de gestion de la demande.

Mais les projets mis de l'avant par le ministre, pour la plupart, n'auront pas d'impact avant au moins 5 ans. Et il faut plus afin d'attirer et de garder les clients du transport en commun; il faut leur offrir un service de qualité. C'est un point sur lequel on peut agir à
court terme.

Lorsque j'ai été nommé directeur général de la STCUM, il y a trois ans, je me suis donné comme objectif d'en faire une entreprise performante tant au plan financier qu'au plan du service à la clientèle.

À cette fin, en 1997-98, avec l'appui du Conseil d'administration et du Comité de direction, nous avons fait une réorganisation qui était destinée à diminuer les coûts de structure (225 postes ont été coupés sans toucher aux opérations) et à rendre l'entreprise plus efficace et surtout, tournée vers le service à la clientèle.


Au cours des 6 derniers mois, après avoir mis en place les nouvelles structures et consolidé les équipes, en même temps que nous entreprenions les négociations avec les syndicats, nous avons mené plusieurs enquêtes en vue de connaître les besoins prioritaires de la clientèle. De l'analyse de ces besoins est ressorti des stratégies et un plan d'action
pour les 3 prochaines années qui seront présentés au Conseil d'administration de la STCUM le 8 mai.

Notre vision est simple :

Nous voulons une entreprise où tous les employés sont centrés sur la mission de l'entreprise;
Nous voulons que la STCUM continue d'assurer un leadership important dans le développement et la promotion du transport en commun;
Nous voulons que d'ici 3 ans que 90 % de nos clients soient satisfaits du service que nous offrons (nous sommes à 75 %);
Nous visons que 90% des contribuables de la CUM et des employés considèrent la STCUM comme une entreprise efficace;
Nous voulons que 90 % des employés soient mobilisés.

Les axes de nos actions concernant les services seront :

Un réseau qui s'adapte rapidement à l'évolution des besoins de déplacement;
L'accessibilité;
L'amélioration des temps de déplacement;
La ponctualité des autobus;
La fiabilité du métro;
La sécurité;
L'information sur le service planifié, mais aussi sur l'état du service;
La courtoisie du personnel;
La croissance des revenus;
Le contrôle de la croissance des coûts.

S'ajoute à ce grand projet d'entreprise, la participation aux projets du Plan des déplacements annoncés par le ministre des Transports, la STCUM entreprendra plusieurs projets dans les mois à venir :

Révision et remplacement de systèmes liés à l'information à la clientèle;
Le remplacement et la rénovation des équipements du réseau du métro initial (complexité);
Réaménagement des ateliers de réusinage et d'entretien majeur des autobus;
Construction d'un nouveau centre de transport pour remplacer le centre St-Denis;
Système de vente de titres en loge;
Système de perception;
Continuer l'implantation d'un système intégré de gestion (SAP).

L'ensemble de ces projets nécessitera bien entendu des ressources humaines que la STCUM ne possède pas. Nous entendons bien sûr faire appel au secteur privé. Pour la réalisation de certains projets, nous voulons innover en établissant de véritables partenariats avec le privé plutôt que d'utiliser les appels d'offres classiques, dans la mesure bien sûr où, les lois qui nous gouvernent, le permettent.

Ainsi si tout va bien, dans les semaines qui viennent, nous devrions aller en appel de propositions afin de choisir une firme d'ingénierie qui nous accompagnera au cours des 5 prochaines années dans le renouvellement des équipements du métro. Dans d'autres projets, nous procèderons de la même façon.

Si vous me le permettez, avant de terminer, j'aimerais pouvoir compter sur votre appui pour que nous puissions, au cours des prochaines années, assister à un renouveau et à la croissance du transport en commun.

Merci de votre attention !

 

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